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Discours Inaugural de Magnifi'Science

"Bonsoir à tous,

Les premiers mots qui me viennent à l'esprit ce soir, sont … Ça y est !!!

«Ça y est» parce que cette exposition est la première de cette envergure que je réalise. Il y a eu des projets, des annulations, des reports, des choix à faire, des compromis difficiles, mais grâce à la formidable bonne volonté de chacun ... nous l'avons fait ! Je voudrais donc dire un grand merci à toute l'équipe du Palais de la découverte.

«Ça y est» également, parce cette exposition est le résultat d'une évolution personnelle débutée il y a cinq ans. Mais il est toujours angoissant de se dévoiler au grand public. En effet, ce ne sont pas seulement des photos qui sont exposées ici, mais plus exactement des œuvres conceptuelles. On peut discuter avec ses amis, débattre, philosopher en petit comité, mais c'est lorsqu'on se livre au public qu'on peut évaluer la pertinence de nos opinions. En tant qu'ingénieur, j'ai toujours dû avancer à l’aide de preuves, de vérifications, de certitudes, mais en tant qu'artiste je ne suis plus dans le domaine des sciences exactes, cette démarche est donc impossible. Alors un grand merci à vous tous, amis, famille, collègues, journalistes, et plus généralement amateurs d'art, d'être venus à ce vernissage et de me témoigner par là même l'intérêt que vous portez à mon travail. Merci de m'avoir déjà un peu rassuré par votre présence.

J'ai toujours été d’une grande curiosité. Mes premiers centres d’intérêt furent la science et les technologies. J’aurais pu être professeur de physique mais j’ai choisi la filière ingénieur pour inventer. Pendant plus de 10 ans, j’ai travaillé dans un grand groupe industriel qui me demandait chaque jour d'aller encore plus loin dans la performance, la productivité et surtout la rentabilité. Inventer s’avéra vite impossible en raison des «impératifs économiques». J'ai donc commencé la photo en tant qu’exutoire d’une créativité bridée. Mon goût prononcé pour les sciences m'a poussé à expérimenter, apprendre et comprendre très précisément le fonctionnement des appareils photos. C'est ce travail que je vous présente principalement dans la zone «techniques photographiques».

Ensuite un ami m'a conseillé de profiter de mes connaissances pour faire des photos scientifiques, complexes de par leur réalisation et donc forcément originales. J'ai alors mis au point des équipements annexes (déclencheurs au bruit, électrique, laser¼) pour obtenir le contrôle absolu de mes clichés. C’est ce que vous pourrez découvrir dans la zone «ingéniosité et prise de vue».

La zone suivante présente donc des images commandées pour certaines par la presse scientifique. Un de mes atouts dans ma carrière industrielle est ma capacité de remise en cause, que cela soit en cours des analyses techniques, ou dans mes actions de responsable syndical. J’utilise ici ces images scientifiques pour mettre en avant certaines problématiques liées à la connaissance au sens large. Le nom de la zone est donc «Science et épistémologie». Je ne donnerai qu’un exemple: la trajectoire de la roue vélo suit-elle un cercle ou cette drôle de forme appelée cycloïde? Les deux! Il existe donc des vérités multiples bien que contradictoires, tout cela dépend de notre point de vue. Quand on détient une vérité, il ne faut pas oublier qu’elle n’est vraie que dans un contexte donné.

A la fin de l’année 2007, le désir de partager mes productions a commencé à naître en moi. J’ai exposé lors de la «fête de la science 2007». Je pensais présenter un travail qui n’intéresserait que les amateurs de science. Je me trompais. Je ne m’attendais pas à ce que ce travail séduise des amateurs d’arts juste par l’émotion émise. J'avais bien entendu toujours veillé à rendre mes photos les plus belles possibles mais c'est avant tout le phénomène scientifique qui initiait le cliché. Cela m’a complètement libéré de mon carcan scientifique. L’image peut se suffire à elle-même. C'est le sens de la zone «mystère» où 6 photographies prises dans une cuisine nous amènent dans un voyage imaginaire.

Mais il y a 18 mois, après des années de pratiques en tant que responsable syndical, je n’ai plus du tout adhéré à la logique d'entreprise. Le monde reposerait-il sur des idées préconçues telles que le culte de la réussite sociale ou la nécessité de croissance économiquequi nous amènent à la surconsommation ? Les puissants nous encourageraient-ils à ne pas les remettre en cause pour préserver un système dont ils sont au sommet? Toutes ces questions, et les réponses que j’essaye de constituer en retour ont pris place de manière inattendue, mais avec le recul tellement prévisible, dans mon travail artistique. En utilisant sur le même support photographique, mes compétences scientifiques, ma créativité, mon investissement syndicaliste et toute la somme de mon expérience de simple être humain, je peux passer un message, parler librement de moi, de ma vision de la société. J'ai la possibilité de faire sortir ma photo du support papier et de la faire exister par les discussions qu'elle peut engendrer et les prises de conscience qu'elle peut susciter. Cette démarche s’appuie largement sur la notion de transdisciplinarité, démarche unificatrice des savoirs et donc des hommes. La transdisciplinarité est un champ d’exploration si vaste et si passionnant pour moi que je vous en reparlerai en d’autres occasions. Le fruit de quelques unes de ces réflexions fait le sujet de la zone «art et philosophie».

Cette exposition est donc une rétrospective de 5 ans de travail photographique, dont 2 ans en tant qu’artiste. Ceci n’est que le commencement. Je travaille actuellement sur une œuvre qui me tient énormément à cœur et qui aura pour titre «l’humanité». Basée sur une notion mathématique, elle traitera de la différence, de la pondération et de l’intérêt collectif. Cette oeuvre sera une sculpture de grandes dimensions dont les divers points de vues seront illustrés par des photographies et bien sûr des textes explicatifs. Grandes galeries ou espaces muséaux, j’ai besoin de vous.

Voilà donc les quelques clés que je souhaitais vous donner en espérant qu’elles vous aideraient à mieux comprendre mon travail. Je veux partager avec vous une dernière chose pour que vous saisissiez bien mon processus créatif. Etant totalement autodidacte de l’art, mais armé d’un bagage scientifique, j’ai plongé dans le monde de l’art contemporain avec un regard vierge. J’ai alors formulé une méthode appelé avec légèreté METEO et qui s’appuie sur 5 critères:

  • le M de «Message» qui va permettre à l'œuvre d'exister au-delà de son apparence plastique.
  • Le E de «Esthétisme» qui va capter nos sens et nous attirer vers l'œuvre.
  • Le T de «Technique», ou savoir-faire qui légitimera le talent du créateur.
  • Un nouveau E pour «Energie» qui traduira la masse de travail nécessaire à la réalisation de l'œuvre et rendant celle-ci respectable.
  • Enfin le O de «Originalité» qui en évaluera l'aspect novateur.

  • Il n’est pas nécessaire que tous ces critères soient élevés, ni même présents, pour qu’une pièce soit décrétée œuvre d’art : Marcel Duchamp par exemple n’a-t-il pas ouvert une nouvelle dimension à l’art un instituant que le Message pouvait être un paramètre à lui seulsuffisant?

    En ce qui me concerne, je suis un homme socialement engagé qui a choisi l'art comme voie d'expression. A ce titre il devient évident que la composante Message est au cœur de mon œuvre. Pour autant je me souviens de mes origines et de mon désintérêt le plus total pour l’art conceptuel pendant 30 ans. Bon nombre de personnes considèrent que ce type d’art ressemble à des productions d’enfants. C’est pourquoi je ferai en sorte de réunir les critères de la METEO pour offrir une lisibilité maximale, afin de proposer mon message à tous et non seulement à une élite cultivée. Cette méthode analytique est bien froide, et pourtant elle me permet, et j’espère pour vous aussi, d’accéder devant certaines images à l’émotion! N’est-ce pas là, la force de l’art?

    Cette exposition est donc pour moi une expérience connotée scientifiquement. J’ai développé une théorie, un modèle, une vision globale. J’y ai inclus des catalyseurs de curiosités tels qu’une borne interactive, des making-of vidéo, une machine à voyager dans le temps. J'espère donc que vous allez être sensibles à mon travail et que vous aurez perçu que si «la science est mon médium, l’homme est mon sujet».

    Je vous remercie."

    Jacques HONVAULT