Réponses Photo - juillet 2016
Que nous révèle la photo haute vitesse ?
Elle nous révèle les limites de notre perception ! L’éclatement d’une bouteille, la goutte qui se détache du robinet, le son qui se déplace… Tous ces événements nous émerveillent, car ils échappent aux capacités d’analyse immédiate de notre cerveau. C’est leur fugacité qui leur confère cet aspect insolite. Les sceptiques douteront et évoqueront l’usage de Photoshop. Aussi, je dévoile toujours suffisamment d’astuces sur mon site (www.jacqueshonvault.com), pour qu’ils puissent les re-produire. Je ne compte plus le nombre de reprises de mon tutoriel sur le verre qui se renverse, par exemple. Mais c’est un élément clé de ma démarche : 44 épisodes vidéo de “Capillotracté ?” ont ainsi été tournés pour montrer que, parfois, l’incroyable est vrai et nous suggérer que d’autres univers nous échappent encore. C’est d’ailleurs le thème de mon livre ConSciences, voyage aux frontières de l’enten-dement (éditions Les Cavaliers de l’orage, 190 p., 29,90 €).
Quelles sont ses applications scientifiques ?
Étant donné que mes photos ne sont pas truquées, elles intéressent les scientifiques. Cette photographie du ballon qui éclate, exposée au Palais de la découverte en 2010, a interpellé des chercheurs du CNRS qui ont alors étudié ce phénomène et publié cinq ans plus tard une étude. Pour le CNRS de Reims, j’ai assuré la captation du débouchage de 71 bouteilles de champagne ! Cinq nouveaux phénomènes ont été révélés aux chercheurs qui, dès lors, se sont attelés à la modélisation et à la publication de leurs résultats.
Quel matériel utilisez-vous ?
Rien que du classique, inutile de citer une marque, car ce n’est pas cela qui caractérise la photo. En revanche, j’em-ploie un flash d’application scientifique qui délivre 2 joules seulement, dont l’éclair ne dure que 3 microsecondes. Il est donc souvent difficile de fermer mon diaphragme au- dessus de f:5,6/8 et j’évite autant que possible de monter en sensibilité. C’est pour cela que je me sers souvent d’ob-jectifs à bascule et décentrement pour orienter le champ de netteté. Pour déclencher le flash en synchronisation avec le phénomène que je traque, j’utilise le Multi Pilot Pro, conçu par Guillaume Tournabien, sur la base de mon cahier des charges. Mais tout photographe aguerri sait que la par-tie acquisition n’est qu’une très faible fraction du travail, l’essentiel de l’effort se produit devant l’objectif. Et c’est là qu’intervient ma particularité.
C’est que vous appelez l’Engineering Art ?
Oui, c’est le fait d’exploiter tout le savoir-faire d’un gadz’art (NDLR, ingénieur de l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers) passionné de sciences et de philosophie, dans le but d’obtenir les images ayant le maximum d’im-pact auprès du spectateur. J’utilise, par exemple, un robot industriel 7 axes, dont la programmation d’une interface intuitive pour son pilotage m’a pris dix-huit mois. Avec, à la clé, la possibilité de faire des timelapses vraiment originaux comme celui où le robot cuit et photographie, alternativement, un steak.
Donc vous fabriquez vous-même certains matériels spécifiques ?
Oui, comme l’adaptation optique entre un endoscope et un téléobjectif, entre un objectif de microscope et un soufflet. Mais aussi quantité de dispositifs pour que le phénomène se passe exactement là où la mise au point est réglée, et au moment souhaité : l’épisode 29 de “Capillotracté ?”, sur mon site, en est un bon exemple.
Avez-vous un défi “haute vitesse” que vous aimeriez achever ?
J’ai un fichier avec plus d’une centaine d’idées à capter. Il faut souvent plusieurs dizaines d’heures de travail pour chaque projet. Par exemple, celui de faire une collision d’une goutte sur le doigt d’eau qui remonte d’une cuve en rotation, le doigt serait alors courbe et si la goutte arrive tangentiellement, une jolie fleur apparaîtra devant l’objec-tif. Mais étant aujourd’hui professionnel, la probabilité d’un retour sur investissement est très faible, car la vente de mes œuvres dans une galerie ou en direct est absolument im-prévisible. Je m’attelle à ce type de travail dès que l’image s’inscrit dans une expression métaphorique. En lisant le livre, vous découvrirez que chaque œuvre est un support pour notre imaginaire, pour tenter de réfléchir librement, c’est là mon plus grand défi.
Chasseur d'images - juin 2016
Pariscope - avril 2010
Because - Mars 2009
Culture et compagnie - Janvier 2009
Jacques Honvault : de l'invisible cliché jamais vu
Original, proprement insaisissable et à la fois esthétique et design, le travail du photographe Jacques Honvault sort des tranchées battues : amoureux de la vitesse et fou des sciences, cet ingénieur capture l'invisible. On adore ! A retrouver au Palais de la découverte en 2010.Par Axelle Emden
Jacques Honvault, dont les photographies feront prochainement l'objet d'une exposition au Palais de la découverte, du 26 janvier au 02 mai 2010, capture d'insaisissables phénomènes scientifiques porteurs de messages sur les comportements humains...
" L'homme est mon sujet. La science est mon médium. "
Amoureux des sciences et spécialiste de la " haute vitesse ", Jacques Honvault capture l'insaisissable. Premier artiste transdisciplinaire à se consacrer à la photographie scientifique, Jacques Honvault mêle connaissances académiques à une approche artistique et à un savoir faire manuel. Sciences... humaines, anthrolologie, science dure ? Au carrefour de 1000 disciplines l'ingénieur-photographe se fait messager de l'invisible. A travers un travail résolument esthétique, où les couleurs les plus tendances côtoient les formes les plus design et les
mouvements les plus insoupçonnés, il révèle de manière insolite ce qui est invisible à l'oeil nu, grâce à des appareils électroniques et des installations mécaniques.
Parce que l'artiste est convaincu que l'individu se laisse bercer par trop d'idées préconçues, il révèle aux regards des phénomènes qui imposent de remettre en question certains acquis, partageant ainsi son goût du questionnement - caractéristique fondamental du scientifique, mais aussi du philosophe - avec des visiteurs qui ne sont pas des scientifiques aguerris. Pari réussi : ludiques et ultra-étonnantes, ses
images nous en mettent plein les mirettes et son travail de fond s'avère passionnant.
Messager de l'impensé
Reposant les questions les phénoménologues et de leurs prédécesseurs, il nous replonge dans du Bergson et du Husserl pur cru ! Est-ce que ce que je vois est réel ? Est-ce que nos déductions sur le fonctionnement général de tel ou tel mécanisme est valable ? En témoigne son travail sur le verre, la table et le liquide, image dans laquelle une drôle de substance bleutée se dégage d'un verre d'une impossible manière. Effet, trucage, science désinfusée ? " On croit tous savoir comment un liquide doit s'écouler d'un verre, explique l'artiste. Mais cette photo prouve le contraire. Nous devons remettre nos certitudes en doute. Ce n'est pas parce que la table est horizontale qu'elle est immobile "
dit-il, face à son cliché nommé "Ouverture d'esprit" !
Plus que des images, ce sont des concepts portés par des images que l'artiste proposera au public à travers l'exposition Magnifi'Science au Palais de
la découverte en 2010, une rétrospective des 5 dernières années de ses travaux. Toutes vraies et absolument pas truquées, les 36 photos qui la composent sont réparties en 5 zones : Techniques photographiques, Ingéniosité des prises de vues, Science, Mystère et Philosophie. Une machine permettra de reproduire en interaction avec le public une des œuvres présentées...
La science, métaphore humaine
Au-delà du spectaculaire, Jacques Honvault entend faire passer un message. Son travail d'artiste est une recherche continuelle pour photographier des
phénomènes scientifiques analogues à des comportements humains. Il traduit ses préoccupations comme dans la photo ci-contre.
Lorsque
l'on perce un ballon de baudruche, il se découpe en deux morceaux. Mais si on le gonfle jusqu'à l'éclatement, alors celui-ci se disloque en
lambeaux, chaque centimètre carré de caoutchouc était à son étirement maximum. Dès que le début d'une onde de choc ébranle la structure fragilisée, elle se brise de toutes parts. Depuis quelques temps le concept " il faut de la croissance à tout prix " m'agace et m'inquiète. Notre monde étant à ressources finies, je pense que, sous la tension de nos besoins insatiables, nous allons finir par le détruire " dit-il. Des photos subtiles qui mettent tout en question et retournent objectifs et réalités. Génial !
A propos du photographe...
Diplômé de l'ENSAM – Ecole Nationale Supérieure d'Arts et Métiers, Jacques Honvault met à contribution des connaissances scientifiques et sa passion pour la photographie pour montrer au public la science sous un autre jour. Ex-ingénieur dans l'industrie automobile, il s'est reconverti avec succès dans la photographie et spécialisé dans la photographie à haute vitesse. Il collabore avec de nombreuses revues et magazines tels que Sciences & Vie Junior, Science & Vie Découverte, Chasseur d'images, Quo, Sélection du Reader Digest...
Sélectionné en 2008 parmi 45 000 participants au Sony World Photography Award de Cannes, Jacques Honvault est arrivé 12ème dans la catégorie " Sciences ", il était le seul photographe français à concourir encore en finale.