Manifeste 2011 : Le fondement de ma démarche
Ce qui me caractérise sans doute le plus est la soif de comprendre. Aussi j'ai été aiguillé vers une filière scientifique, là où l'on cherche à théoriser les observations que nous pouvons faire du monde. C'est dans cet état d'esprit que j'ai abordé les 30 premières années de ma vie. Néanmoins, l'envie d'exprimer ma créativité m'a fait choisir la voie de l'ingénierie à celle de la recherche fondamentale. Lors de mes dix années passées dans l'industrie automobile, mon désir de compréhension de la vie sociale m'a amené à prendre des responsabilités dans le syndicalisme. En effet, venant d'un milieu modeste, mais avec un salaire de cadre supérieur, je voulais analyser les sources d'insatisfactions de mes pairs. C'est en étudiant les dialogues entre salariés et direction que mon souci d'humanisme s'est imposé. C'est, pour ainsi dire, par inadvertance que rapidement je suis m'intéressé à l'art par une pratique de la photographie créative.
Etapes après étapes, je superpose dans mon oeuvre mes différents centres d'intérêts: ingénierie, photographie, sciences, sociologie, épistémologie… L'ouverture à la culture, qui est alors pour moi un nouvel univers, me révèle une richesse alternative et surtout intellectuellement infinie. Une question s'impose alors en moi: «pourquoi m'y suis-je intéressé si tardivement ?» Il suffit de vivre dans un monde, un milieu social où l'art n'est pas transmis. Lorsque l'on vit dans un courant de pensée, il est difficile d'en prendre conscience pour s'en affranchir. J'ai délaissé l'art pendant 30 ans. Evoluant aujourd'hui dans ce milieu, je m'interroge sur le nombre d'univers qu'il me reste encore à découvrir. Mais comment se libérer de nos chaînes invisibles ?
Les paradigmes hantent en toute discrétion nos esprits en nous empêchant de considérer toutes les options. Même un raisonnement scientifique ne suffit pas à les vaincre car il ne peut rien contre une imagination bridée au moment de l'énumération des possibles. Aussi, je constitue des analogies entre des sujets humanistes et scientifiques. Dans le domaine métaphorique, le carcan des courants de pensées disparait car non transposé. J'essaye donc de développer des outils pour s'affranchir des courants de pensées. Il m'apparait alors le besoin de deux ingrédients fondamentaux ; la puissance exploratrice de l'imagination, stimulée par la pratique de tous les arts, et la rigueur d'analyse de la science pour étudier les postulats ainsi créés.
En mêlant les différents champs de connaissances, ma volonté est de contribuer à un nouvel humanisme. Quel est le rôle de la science dans ma démarche artistique ? Interroger le monde d'une manière nouvelle est le propre de l'art conceptuel. La science quant à elle est une merveilleuse discipline permettant de réduire la probabilité qu'une théorie soit fausse. J'utilise cette complémentarité afin de progresser dans mes recherches. Mais j'insiste sur le fait que la science ne peut rien, sans l'imagination nécessaire à l'élaboration d'une théorie. Je braque mon attention sur des sujets qui sont à la limite de notre perception car trop rapides, trop lents, trop petits, trop subtils ou même trop présents pour être remarqués.
Toutes mes œuvres correspondent à une réalité physique indéniable. Mais le questionnement de ce travail est bien celui de l'artiste: l'humanisme n'est pas le sujet des sciences aujourd'hui trop segmentées mais celui des penseurs.