logo Go to the english website  English website

Manifeste 2008: Ma démarche au sein des courants artistiques

Jusqu’en 1850 environ, l’évolution de l’art consistait notamment en une plus grande sophistication de la technique de peinture avec par exemple de grandes étapes comme l’introduction de la perspective par les Italiens, ou de lumières improbables mais réalistes par les Flamands. A part en de très rares occasions, l’œuvre finale est toujours photo-réaliste, c’est-à-dire que le corps humain ou le décor ressemblent à ceux que l’on peut voir. Même pour des fresques bibliques représentant le paradis ou l’enfer, chaque personne a une peau, un visage crédible et s’assoit sur une matière concrète.
 
La cassure qui me marque le plus dans l’histoire de l’art est celle liée aux travaux des impressionnistes. Pour la première fois, un collectif peint des scènes qui ne sont plus photo-réalistes. Les ciels sont moutonneux, les visages sont flous, la peau devient immatérielle… Les scènes peintes sont pourtant des plus banales : un port, une mare, un champ... L’intérêt n’est pas tant pour ce qui est peint mais pourquoi cela est peint de cette manière. La grande question est donc « comment un homme peut concevoir une toile impressionniste sachant que l’on ne voit que de façon photo-réaliste ?»
On se mit alors à considérer l’approche visuelle de l’artiste comme premier critère d’intérêt. Qu’est-ce qui a provoqué ce virage de l’art ? Cet abandon de la quête du photo-réalisme, est à rapprocher en droite ligne de l’apparition de la photographie en 1839, rendant vains tous les efforts des peintres académiciens. Une nouvelle ère commence, l’art moderne, ou chacun s’efforcera de prendre la vedette en imposant sa nouvelle façon de voir, et donc de peindre. Impressionnisme, pointillisme, cubisme, abstrait, monochrome, toile vierge… A chaque étape on recherche comment surprendre le lecteur en essayant d’approcher le plus directement l’émotion par une voie nouvelle.
Le choix du sujet de l’œuvre n’est donc plus le seul champ de créativité. La technique de réalisation, les partis pris de représentation ouvrent de nouvelles voies de création.  Ce que l’on gagne en concept, on le perd au fur et à mesure en savoir faire technique et manuel. Cela ne serait peut être pas si controversé si la notion même d’esthétisme n’était pas purement abandonnée chez certains artistes.
 
Toutes ces mutations sont rapides, trop rapide pour notre éducation visuelle conditionnée par 2000 ans de peinture en quête de photo-réalisme. Ainsi entre autre exemple, Vincent Van Gogh mourut en n’ayant vendu qu’une toile de son vivant, Edouard Manet suscita les rires lorsqu’il exposa « Le déjeuner sur l’herbe » au Salon de Paris en 1863.
Lorsque que des dizaines d’années plus tard,on perçut enfin la grandeur de ces œuvres ou de ces changements, la critique artistique se remis en cause et adopta une posture de prudence de bonne aloi. Ainsi, tout travail aussi dénué de qualité apparente soit il, mérite que l’on s’y attarde…le climat est alors propice à la naissance de l’art contemporain.
 
Parlons du cas du « ready made ».  Pour éprouver le monde artistique de l’époque, qui se targuait déjà d’être tolérant, Marcel Duchamp dépose un urinoir sous un pseudonyme au salon des indépendants de New York. L’objet est heureusement refusé, les commissaires faisant preuve de discernement. Trente ans plus tard, l’identité de l’auteur de la farce est dévoilée et le monde de l’art alors crie au génie pour la façon dont il a fait évoluer le débat sur  la définition de l’art.
Devant la proclamation d’une démarche artistique, il appartient à chacun de s’interroger pour comprendre pourquoi c’est potentiellement génial ou bien s’il s’agit tout simplement d’une boutade de l’artiste. Dans le cas de « la fontaine » il semble nous  dire: « utiliser votre discernement pour conclure que c’est une farce et non de l’art ». Il ne faut donc plus seulement avoir le regard critique mais avoir aussi du temps à passer en questionnement. Je définirai donc l’art contemporain comme cela : l’idée prime sur la réalisation.
 
Ce nouvel essor dans la création ouvre la porte à un nouveau type d’artistes. Il peut suffir d’avoir un concept « marketing » et surtout novateur, sans aucun besoin de savoir faire, pour séduire les spéculateurs qui portent le cours des marchés et des foires. A force de chercher la plus-value sans savoir faire, certains en sont arrivés à acheter à Piero Manzoni de la « merde d’artiste » au prix de l’or. 
Si la crise économique ébranle la partie de poker incessante des traders,  elle risque aussi de faire prendre conscience à certains acheteurs qu’œuvre d’art sans savoir faire n’a point de valeur pérenne. D’ailleurs, ne voit-on pas que le très grand public n’adhère pas à l’art contemporain, que Jean Philippe Domecq réédite sans cesse et avec succés son pamphlet « artiste sans art » depuis près de vingt ans et que la quôte de certaines icônes de l’art contemporain commence à descendre.
Si j’explore les terrains de l’art contemporain de part les concepts et symboliques inclus dans mes œuvres, il est hors de question de vous présenter un travail dénué de savoir faire ou d’esthétisme. Il est pour moi enfin temps de revenir aux fondamentaux qui font que les beaux arts sont respectés de tous.
 
Toutes mes photos sont lisibles au premier degré sous leurs aspects scientifiques. Pour certains, la science a toujours été mitoyenne de l’art, parce qu’elle est par essence pionnière et produit des images inconnues et donc nouvelles. Mais il ne faut pas oublier que dans l’art contemporain, la démarche prime et que par conséquent les trouvailles des scientifiques ne sauraient être que de la bonne décoration « fashion» et non de l’art malgré leur évidente nouveauté. C’est en cela que ma démarche se distingue du chercheur qui par surprise verrait dans son microscope une image inédite. Je construis mes expériences en fonction de mon besoin vital d’expression lié à mes réflexions sur la vie.

L’homme est mon sujet. La science est mon médium.
 
Que l’on ne s’y trompe pas, la photographie n’est pas mon médium. Ce que je manie afin de créer mes œuvres sont bien les outils de la science et de la technologie. Si aujourd’hui, je fige systématiquement mes installations par la photographie, sachez que bientôt certaines de mes œuvres pourront vivre également en tant que sculptures.

Pour finir, laissez moi vous confier mon obsession : Si les mathématiques sont reconnues pour être les outils rois de la modélisation en science physiques, les sciences physiques ne pourraient-elles pas être l'une des plus belles métaphores pour appréhender l'homme dans ses caractéristiques, ses rêves et ses aspirations ?