Manifeste 2007: La Dualité Art / Science

Ma réflexion sur la beauté des images est la suivante : ce n'est que la rareté de la chose vis-à-vis de notre perception personnelle qui la rend belle. Un photojournaliste clame une vérité que personne ne regarde, un photographe de charme montre des corps rares sous des lumières improbables, un paysagiste attend patiemment le crépuscule pour l'ambiance si spéciale de ce moment fugace. Que dire des photographes animaliers qui patientent des mois pour assister à la scène rare... Pour ma part, je recherche l'insolite principalement dans les phénomènes physiques. Je visse, je perce, je synchronise, je soude... Puis soudain, l'insolite est capturé : un vortex parfait se dessine, un ballon explose avec une barbe de Père Noël, une peau de martien tapisse ma casserole, mes spaghettis explosent...

Mon travail est particulier en ce sens que j'essaie d'extraire du monde de l'invisible des phénomènes qui échappent à notre perception, parce qu'ils sont trop rapides, furtifs, lents, petits, lumineux… Pour y arriver, la science n'est alors plus seulement le sujet mais au service d'elle même : mise au point de détecteurs de vibrations ou de sons, de stroboscope, de barrières laser, d'éclairs « microseconde », combinaisons d'images pour accroître la profondeur de champ, la dynamique lumineuse… C'est une recherche obsessionnelle, car il faut deviner dans chaque vision consciente la possibilité de phénomènes cachés. Elle est chronophage, car chaque photo est un nouveau défi technique.

Ce travail se concentre avant tout sur les phénomènes énergétiques : énergie cinétique, centripète, calorifique, lumineuse, potentiel élastique, potentiel de pesanteur, de cohésion, de changement de phase…J'ai à cœur de montrer dans cette sélection que ce type d'images provient de la vie courante et non d'un laboratoire de recherche.

Parce que la science rebute un grand nombre de personne, l'art est donc sollicité pour les sensibiliser à ces joyaux de beautés techniques et invisibles. La couleur, le cadrage, la précision de l'instant choisi et surtout la présentation non-objective de la majorité des sujets est là pour solliciter l'éveil de chacun : l'idée est de ne pas dévoiler immédiatement le sujet, sans toutefois tomber dans l'abstraction, pour qu'un simple commentaire suffise à décoder l'image.

Alors la science est-elle ici au service de l'art ou l'art au service de la science ? Cette conversation est récurrente lorsque je présente mon travail. Est-ce parce que je suis un ingénieur qui oeuvre à l'art photographique et que beaucoup ont un besoin impérieux de classer ces images suivant la nature de l'auteur ?

Faut il impérativement opposer l'art et la science ? Pour ma part, les deux moteurs de mon inspiration sont parfaitement complémentaires et indissociables. Aujourd'hui ingénieur, mais aussi artiste-auteur photographe, je peux partager avec vous mon défaut préféré : la curiosité.

Jacques HONVAULT