Capillotracté ? Un outil de recherche ?
Une recherche professionnelle
Après 10 ans de carrière dans l'industrie automobile, j'ai voulu me reconvertir en ingénieur photographe : utiliser des techniques pour capter d'insolites instants invisibles à l'œil nu, des phénomènes de science qui me plaisent.
Cette démarche s'est traduite par l'exposition Magnifi'Science, présentée au Palais de la Découverte en 2010.
Un proche m'affirma alors n'avoir pas vu mes photos alors même qu'il avait traversé la coursive pour voir une autre exposition. Pour comprendre, je me suis donc rendu au musée pour observer les visiteurs : certains pouvaient effectivement traverser la coursive sans décrocher le moindre regard aux murs. La déduction fut rapide : connaissant le pouvoir d'un téléviseur en marche sur l'attention, il me faillait passer à la vidéo pour continuer mon aventure professionnelle.
Ma rencontre avec l'équipe d'Universcience.tv m'a propulsé dans cette nouvelle direction : 44 épisodes entre 2 et 3 minutes chacun seront autant de making-of de mes photographies. De photographe, me voila du jour au lendemain auteur-réalisateur. Du moins dans le statut, car il me faut trouver un producteur, trouver une caméra rapide en couleur pour rester dans le registre de l'émerveillement et apprendre les métiers de la vidéo : captation, montage, étalonnage, mixage et même le jeu d'acteur. Il restait ensuite à stimuler ma créativité pour passer de l'image fixe à la narration...
Une recherche technique
Il fallait reproduire les phénomènes photographiés devant une caméra vidéo. Ce fut:
- à la fois plus facile car une vidéo révèle instantanément l'intégralité d'un phénomène. Jusqu'alors je ne les scrutais que de manière discrète en ne faisant qu'une photographie à la fois, les rafales des appareils photographiques étant bien insuffisante pour ces phénomènes. L'épisode 07 : Du ballon rose à la Puberté et l'épisode 25 : De la bombe à eau aux niveaux de réalité par exemple sont particulièrement jouissifs en vidéo.
- à la fois plus dur car, en photographie, je travaille le plus souvent au flash : 100 000 W. de puissance instantanée. Or en vidéo, il faudrait cette même puissance en continue, ce qui entrainerait la fonte du sujet et même, dans certains cas, de l'objectif. L'épisode 22 : De la gerbe d'eau à l'ouverture d'esprit et l'épisode 29 : Des jets d'eau au choc des paradigmes furent à ce titre assez durs à éclairer.
D'autres sujets étaient trop rapides pour ce contenter des 2500 images par seconde en haute définition (1920 x 1080 pixels). Le choix de compositer plusieurs vidéos en résolution partielle a résolu la problématique : ainsi l'épisode 02 : Du kilo de plomb à la preuve ? et l'épisode 12 : Du filet d'eau à la négociation ont été filmé en bande de 1080 pixels de hauteur et seulement 400 pixels de large. Ainsi, malgré la limitation de la bande passante de la caméra, la cadence image à pu être portée jusqu'à 7000 images/s. Cependant la séquence de l'explosion du ballon rempli d'air, même à 10 000 images/s, ne montrait que 3 images intéressantes, l'épisode 08 : Du ballon vert au prévisible a donc été réécrit en conséquence.
Une recherche scientifique
Avant d'écrire les 44 épisodes, j'ai tourné un maximum de plans avec la caméra rapide. En fonction de la réussite de ces plans, je savais ce que je pouvais montrer. En septembre 2012, j'ai donc filmé l'éjection du bouchon d'une bouteille de vin effervescent qui confirma ce que j'avais photographié en 2007 : il y a bien un nuage bleu au sein d'un nuage blanc. J'envoie les images au laboratoire GSMA-UMR 7331. En septembre 2013, le CNRS de Reims finance une journée de tournage ou 29 bouteilles de champagne seront ouvertes. Cinq phénomènes non répertoriés seront ainsi identifiés ! C'est ainsi que l'épisode 43 : Du bouchon de champagne à la célébration apporta sa contribution à la science.
Comme on le voit dans La construction de l'épisode 37 - du doigt d'eau au paranormal, la vidéo m'aidait à comprendre les phénomènes que je déclenchais. Et chaque observation implique une nouvelle approche de la captation, une nouvelle écriture du script de l'épisode.
L'épisode 34 : De l'orange à l'altruisme reprenait la photographie utilisée pour faire l'affiche de l'exposition Magnifi'Science. On y voit une orange dont des doigts d'air semblent vouloir la sauver de la noyade. Lors de cette exposition, le comité de relecture scientifique ainsi que moi même avions supputé qu'après avoir tenu longuement l'orange avant de la lâcher, mes doigts avaient affectés la peau de celle-ci. Or stupeur à la vision de la vidéo réalisée à la caméra rapide : il n'en est rien ! Les formes de doigts apparaissent subitement par un phénomène de rééquilibrage de pression. Encore un épisode à réécrire complètement.
Une recherche épistémologique
A l'image de cette anecdote de l'épisode 34, La science est un échafaudage qui s'appuie sur la réalité. Chaque nouvelle découverte amène à démonter puis à reconstruire au mieux l'édifice. En raisonnant par l'absurde, si toute découverte annule la précédente théorie, quelle est la probabilité que nos théories d'aujourd'hui ne soit pas démontées un jour ?
Galilée en soutenant publiquement les thèses coperniciennes à fait perdre au géocentrisme son caractère divin. Avant cela, le monde n'avait qu'une compréhension tronqué de la nature des choses. Quand est-il aujourd'hui ? Et si nous étions encore dans une période type pré-galilléenne ? C'est-à-dire qu'en l'absence d'un concept majeur qui reste à découvrir, notre représentation du monde actuel soit complètement fausse ?
De plus, à force de photographier des choses invisibles, on fini par se demander ce qu'est la réalité. Dès lors, la thématique récurrente de mes conférences est : "et si l'incroyable était vrai ?". On peut ressentir ce questionnement dans l'épisode 03 : Des poussières aux courants de pensées, l'épisode 09 : De la boule de feu à la croyance, l'épisode 14 : De la balle aux limites de notre perception, l'épisode 18 : D'une double goutte à l'improbable, l'épisode 22 : De la gerbe d'eau à l'ouverture d'esprit entre autres.
Une recherche spirituelle
Mais à force de m'extraire de mon scientisme, à vouloir m'ouvrir l'esprit à la potentielle révolution scientifique de toutes mes connaissances, j'ai basculé dans un doute kantien. J'ai alors expérimenté la profondeur de l'injonction "connais-toi toi même". D'orienter ma curiosité scientifique non pas vers la nature à l'extérieur de moi, mais vers la nature propre de ma conscience, je me suis aperçu à la fois des limites de notre capacité d'entendement et de l'immensité de l'inconnu dans cette direction. Mais devant le peu de certitudes objectives atteignables sur ce sujet, je ne pouvais dans Capillotracté ? traiter frontalement ce questionnement qui m'obsédait. C'est ainsi que les conclusions de tous les épisodes sont pleines de sous entendus sur le mystère qui réside en chacun de nous.
Pour parachever cette expression, mon questionnement métaphysique sera alors pleinement assumé dans le livre ConSciences sorti fin 2013. Le livre, via des QR codes ou les disques associés, place chaque épisode de Capillotracté ? dans le contexte qui a permis sa maturation. Je m'y suis alors autorisé à exprimer mes hypothèses les plus débridés sur toutes ces questions.